Un scrutin de proximité

Les municipales sont un temps fort de la vie citoyenne. Elus fin mars, quelque 500 000 conseillers municipaux désigneront les 36 767 maires de vos communes.

Les française vont voter les dimanches 23 et 30 mars pour ceux qui administreront leur commune durant les six ans à venir. Une élection qui mobiliser souvent davantage leurs électeurs. « Ils en connaissent mieux les enjeux, souligne Alexandra Lion, candidate sur une liste à Paris. Même si les motivations politiques existent, on est dans la proximité, on aborde des questions liées à la vie quotidienne. »

Des charges et des pouvoirs élargis

Les communes disposent de pouvoirs très divers, qui se sont encore accrus avec les lois de décentralisation : entretien de la voirie, distribution de l’eau, collecte et traitement des déchets, services publics municipaux, écoles élémentaires et primaires, gestion de l’action sociale, du patrimoine culturel … Sans oublier des compétences étendues en matière d’urbanisme : elles élaborent le plan d’aménagement de leur territoire et délivrent les permis de construire.

Plusieurs sources permettent d’en financer la gestion. La moitié provient des impôts levés par les municipalités : taxe d’habitation, taxe foncières sur la bâti et non-bâti, contribution économique territoriale (ex-taxe professionnelle)… Le reste se répartit entre les subventions et dotations de l’Etat, la facturation des services publics et les redevenus du patrimoine. Parallèlement, les communes peuvent recourir à l’emprunt pour financer des dépenses d’investissement.

Le conseil municipal coeur de la vie communale

Les affaires sont gérées par le Conseil municipal, composé de 7 membres (moins de 100 habitants) et 69 membres (plus de 300 000). Maire et adjoints sont désignés par les élus au sein du conseil. A noter : à Paris, Marseille et Lyon, l’élection a leur dans la cadre des arrondissement pour un total respectivement, de 163, 101 et 73 conseillers. Les problématiques différent suivant la tailleur de la commune et sa situation géographique. Ainsi, Alain Herberth, maire sortant de Saint Pierre sur Dives (3 654 habitants, Calvados), se représente pour assurer la continuité de la politique entamée il y a six ans : « Auparavant, le maire changeait à chaque élection et la ville restait un gros bourg. Là, nous avons commencé à opérer une véritable recomposition, notamment au plan urbanistique, afin d’enrayer la baisse de la démographie. »

Plus de femme dans les conseils

 Deux nouveautés sont à signaler pour ce millésime 2014. Tout d’abord, mes bulletins de vote présentés aux électeurs comporteront à la fois une liste de conseillers municipaux et une liste de conseillers dit communautaires, qui ont pour mission de représenter la commune dans les structures intercommunales.

Par ailleurs, le scrutin majoritaire plurinominal – qui n’impose pas de parité hommes/femmes – est désormais réservé aux communes de moins de 1 000 habitants, contre 3 500 auparavant (loi du 17 mai 2013). On estime ainsi à 1 600 le nombre de conseillères supplémentaires qui devraient être élues. De quoi faire progresser le taux de féminisation, qui s’établis aujourd’hui à 35 % parmi les conseillers municipaux et à 13.9 % parmi les maires.

Être élu, c’est s’engager

Multiple complexe chronophage… La tâche des élus est lourde. Mais ces responsabilités apportent aussi d’autres compensations.

« C’est passionnant ! » Qu’ils visent une fonction de conseiller municipal ou le fauteuil de maire, les candidats manifestent le même enthousiasme. Très motivés, ils débordent de projets et d’énergie. Comme Emmanuelle Declerck qui sollicite un deuxième mandat de conseillère à Meudon (Hauts de Seine) : « La responsabilité, qu’on assume en équipe, est très gratifiante. On traite de la cité au jour le jour, on trouve des solutions concrètes aux problèmes. Et le travail est aussi extraordinairement varié. Un jour on assiste à un cocktail mondain, le lendemain on s’occupe d’un mère de famille qui n’as pas de travail. »

Pour autant, chacun sait que la tâche est rude, souvent ingrate, et exige un caractère bien trempé. Bertrant Joly l’a découvert dès le début de la campagne à Autun (14 256 habitants, Saône et Loire) : « Les habitants manifestent souvent un certain fatalisme, beaucoup sont sceptiques sur notre capacité à changer leur quotidien. A nous de les convaincre. »

Un fonction très chronophage

Une fois les conseillers municipaux élus, la charge de travail s’avère lourde. C’est le cas pour ceux qui votent le budget, s’assurent de son application, élaborent le plan d’urbanisme, accordent des aides … C’est plus vrai encore pour le maire qui cumule deux casquettes. Agent de l’Etat, il applique les textes réglementaires, agit comme officier d’état civil, dresse des procès verbaux d’infractions en qualité d’officier de police judiciaire organise les élections… Agent de la commune, il applique les textes gouvernementaux d’urbanisme, a le pouvoir sur la police municipale, gère le budget municipal, administre les biens de la commune… « Tout cela est chronophage, souligne Odon de Pins, qui boucle son deuxième mandat de maire à Azas (571 habitants, Haute Garonne). J’assure une permanence à la mairie trois soirs par semaine, sans comptes les manifestations et les cérémonies le weekend. »

Encore faut-il ajouter la formation à cet emploi du temps déjà chargé. Un impératif face à l’inflation de textes que les élus sont appelés à appliquer, dans tous les domaines : urbanisme bien sûr mais aussi environnement, activité sportives, transports, politique du handicap, petite enfance, établissements accueillant du public, sécurité civile … 

Au total, on dénombre quelque « 8 000 lois applicables ainsi que 400 000 normes  de toute nature », soulignait un rapport du député Olivier Dussopt en septembre 2013. Pour s’y retrouver, les élus disposent d’un droit à la formation individuelle, financé par une ligne de crédit votée par le conseil municipal.

« Nous sollicitons volontiers les associations de maires, généralistes ou spécialisées, qui informent très efficacement sur l’actualité réglementaire », précise Alain Herberth à Saint Pierre sur Dives (Calvadis). Les communes qui en ont les moyens engagent même des conseils juridique pour leur venir en aide en cas de besoin.

Le sentiment d’être utile

« Etre maire ressemble à sorte de sacerdoce laïque librement consenti », résume joliment Fabrice Millereau, maire de Beaumont Sur Oise (8 954 habitants, Val d’Oise). Beaucoup) ne l’envisagent pas sans sacrifices, à l’image de Nicolas Tisserand qui estime qu’en cas de victoire, son mandat de conseiller municipal à Bourg la Reine (19 985 habitants, Hauts de Seine) le mobilisera un à deux jours par semaine. Rien d’étonnant, dès lors, si l’on trouve peut de jeunes actifs parmi les élus. 

L’âge moyen des maires lors de l’élection de 2008 s’établissait à 56 ans et 10 mois. Un sur trois était retraité – contre 20 % chez les conseillers municipaux, une fonction moins exigeante.

« Il est très difficile de concilier les responsabilités de maire avec une activité professionnelle à temps plein, surtout dans les petites agglomérations, confirme Alain Herbeth. Les gens ne comprendraient pas que vous ne soyez pas présent pour les recevoir. » Les femmes, en particulier, soulignent les sacrifices que leur engagement implique vis à vis de leur vie privée. « J’ai trois enfants de 7 à 11 ans et le mandat pour lequel je me présente à Paris empiétera forcément sur ma famille, explique Alexandra Lion. Mais mon mari et moi en sommes conscients et nous avons envisagés l’éventualité de réunions tardives ou d’obligations en fin de semaine. »

Certains arrivent à tout mener de front, comme cet adjoint à la culture de Meudon, chef d’entreprise et près de cinq enfants ! « Au final, il faut avoir une certaine dose d’inconscience pour solliciter un mandat », plaisante un autre élu. Aucun pourtant ne regrette l’aventure. Candidat en campagne, Nicolas Tisserand en retire déjà une contrepartie qu’il ne soupçonnait pas : « On amène à rencontrer des gens extrêmement divers, contrairement au monde de l’entreprise où les profits sont plus standardisés. »

La richesse de ces échanges, combinée au sentiment d’apporter sa pierre à la collectivité, compense largement les charges induites par le mandat. « On n’est pas indispensable, on est utile », ajouter Emmanuelle Declerck, à Meudon.

S’investir dans son quartier

Il n’est pas nécessaire d’être maire ou conseiller municipal pour jouer un rôle dans votre commune. Le monde associatif ou certaines initiatives citoyennes font parties des différents moyens de s’impliquer.

Le développement et la vitalité d’une commune dépendent de l’engagement et de l’intérêt de ses habitants dans la vie citoyenne. A ce titre, la création des conseils de quartier représente l’initiative la plus novatrice de ces dernières années.

Ces conseils ont vocation à être des espaces d’échange et de proposition pour toutes les questions et les projets concernant le quartier et la ville. Ils ont un rôle consultatif auprès des élus et sont ouverts à tous : non seulement les habitants mais aussi les acteurs socioprofessionnels ou les personnalités de natures très diverses.

Deux lieux de convivialité citoyenne

La création de ces conseils de quartier a été formalisée par la loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité (art L 2143-1 du Code des collectivités locales). Elle s’impose dans les communes de plus de 80 000 habitants, mais reste facultative entre 20 000 et 80 000 habitants. De Besançon à Montpellier en passant par Lyon, Pau ou Reims, de nombreuses agglomérations en ont créé. Sans oublier Paris, où existent 121 conseils de quartier – il y en a jusqu’à 10 dans certains arrondissements, tels les 15ème et 19ème.

Côté pratique, c’est le conseil municipal qui fixe le périmètre des quartiers, la composition de leur conseil et les modalités de leur fonctionnement. Il a aussi la possibilité de leur affecter un local et de leur allouer des crédits de fonctionnement.

Aussi, le profil de ces nouveaux lieux de convivialité citoyenne diffère-t-il très largement d’un ville à l’autre. A Quimper, on y trouve des habitants volontaires, mais d’autres tirés au sort sur les listes électorales ; à Paris, dans le 10ème arrondissements, ses membres sont désignées par les habitants, à Villeurbanne, le conseil de quartier est coprésidé par un élu et un habitant… Beaucoup de ces conseils ont créé leur site internet, certains éditent un journal.

Un forme de démocratie participative

La portée de ces conseils de quartier est à l’image de la diversité de leur fonctionnement : inégale. Certains saluent une expérience de citoyenneté de proximité, imparfaite mais fructueuse. « Les réunions servent bien sûr de défouloir au gens, les associations en profitent pour pousser leurs dossiers, mais cela permet de formaliser les problèmes et, finalement, c’est un vrai pouvoir qui est accordé aux participants, observe Jacques, qui a participé à plusieurs réunions dans son conseil du 11ème arrondissements parisien. Le maire est présent chaque fois, il écoute beaucoup, il est en contact direct avec la vie réelle des gens. Les choses progressent, mais les avancées sont lentes comme tout ce qui touche à la politique de la ville. »

A Rouens, où les élus sont par principe exclus du conseil de quartier, les habitants saluent l’opportunité d’aborder les sujets les plus divers. On traite aussi bien de la réhabilitation d’un îlot que de la création d’une rampe sur une rue pentue pour aides les personnes âgées, de l’organisation de la circulation les jours de marché, de la réfection du jardin municipal… 

Mais certains maires restent sceptiques face à cette institutionnalisation du dialogue. Il est vrai que la mise en oeuvre des conseils de quartier s’est parfois avérée laborieuse et que l’assiduité des participants à souvent fléchi.

« Nous sommes partis la fleur au fusil, je voulais que cela démarre vite, confiait en juillet 2013 la maire de Pau, Martine Lignières-Cassou, au journal La république des Pyrénées. Mais nous avons aussi connu les problèmes de toute les collectivités qui ont lancé cette forme de démocratie participative. Au final, nous avons pu garder un noyau dur de conseillers qui assistent à toute les réunions. »

Un prise de parole fortement revendiquée

Il reste que le caractère consultatif de ces instances et l’influence qu’y exercent souvent les élus risquent parfois de vider la paroles citoyenne de son sens. C’est le constat fait pas Olivier Berardi, rédacteur en chef du site La Tvnet citoyenne qui diffuse des reportages sur la vie locale à Chambéry – Aix les Bains : « Ces conseils de quartier débouchent malheureusement sur un simulacre d’expression citoyenne. La prise de parole des gens reste très canalisées et banalisée, les débats ronronnent, ils butent sur les schémas partisans de la majorité municipale. C’est d’autant plus dommageable que nous sommes à une époque où les gens de tous âges, les jeunes surtout, manifestent une forte revendication de prise de parole. Du coup beaucoup reportent leur énergie sur la création d’associations thématiques pour porter leur projet. Là au moins, ils « font » des choses. »

De fait, l’implication dans le monde associatif reste privilégiée par une majorité d’habitants. Les associations – quels que soient leurs domaines d’intervention, sport, culture, loisirs, humanitaire, soutien local – jouent un rôle déterminant dans le vie locale, tissent des liens entre les habitants et créent une formidable animation. A l’image de l’association de chanteurs Ardev qui, pour fêter son 10ème anniversaire, a donné vie à Pailly (Yonne, 254 habitants), avec une dizaine de concerts organisés en octobre sur quatre jours.

Le rôle des associations

« L’existence des associations est extrêmement précieuse pour la commune. Elles en sont le coeur battant », insiste Alain Herbeth maire de Saint Pierre sur Dives (Calvados). Certes, les élus notent avec inquiétude un certain fléchissement du bénévolat, effet conjugué des difficultés économiques et d’un tendance générale au repliement sur le cercle familial. Pour y remédier, beaucoup investissement dans des structures de type Maison des associations dont les subventions aident considérablement les bénévoles.

Actuellement, environ un tiers des Français de plus de 16 ans sont membres d’une association, surtout des hommes du fait de leur implication dans les associations sportives et les syndicats. Parmi les actifs, ce sont les cadres et professions intermédiaires qui s’engagent le plus (50% et 45%).

Il est vrai que les associations représentent aussi un vivier pour l’avenir. Nombre de candidats affichent un passé associatif riche et estiment que cette implication a joué un rôle moteur dans leur décision de se présenter comme futur élu de leurs concitoyens. « Ma candidature à Autun est l’aboutissement logique des nombreuses responsabilités que j’ai prises pendant ma vie d’étudiante et professionnelle », insiste Bertrand Joly.

Des maires très exposés

Les maires sont de plus en plus souvent mis en cause par des victimes d’accidents, On leur reproche des négligences dans la gestion d’équipements publics … Recommandations.

Demandes d’indemnisation

« Le risque pénal dans la gestion publique locale n’a pas fait que s’accentuer depuis trente ans, il s’est aussi déporté du maire, initialement, vers d’autres acteurs, les délégataires du maire et la commune elle-même », observait la revue Le courrier des Maires et des Elus en septembre 2013.

Une dérive pointée par Annick Pillevesse, conseil juridique et documentation à l’Association des maires de France (AMF) : « Notre société tend à vouloir systématiquement identifier un coupable. En outre, les victimes agissent de plus en plus au pénal pour obtenir une indemnisation qu’elle auraient pu obtenir par d’autres voies. »

Accident lors d’un bal

Plusieurs lois (3 janvier 1991, 13 mai 1996, 10 juillet 2000) et une jurisprudence qui s’amplifie précisent le champ de ces délits « non intentionnels ». Ainsi, le maire d’une commune de moins de 900 habitants a été condamné à 15 000 € d’amende pour la mort d’un jeune homme par électrocution, du fait de la projection de mousse sur des barrières métaliques, pendant un bal organisé par le comité des fêtes. Pour la Cour de cassation (n° 02-82622, 11 juin 2003), l’élu aurait dû s’alarmer de l’humidité créée par la mousse.

Que le village n’emploie que quatre employés municipaux ne constituent pas une circonstances atténuante, bien au contraire. « Le maire se doit d’être autant plus présent que se commune est petite », a ajouté la Cour.

Penser à bien se protéger

Pas facile de se prémunir contre ces procédures qui fragilisent les élus et tendent à freiner leurs initiatives. Certains maires tempèrent pourtant la gravité de la situation. « Les cas sont médiatisés mais les condamnations restent relativement rares, estime Odon de Pins à Azas. J’ai moi même été mis en cause à cinq ou six reprises en treize ans, sans jamais avoir été reconnu coupable. »

L’AMF, de son côté, recommande aux élus de surveiller attentivement leurs équipements, de prendre des mesures dès qu’ils ont connaissances d’un dysfonctionnement, de laisses des traces même informelles de ces interventions. Et de contracter une police d’assurance personnelle !