Le paquet électoral issu de la loi n°2011-412 du 14 avril 2011 modernise les dispositions relatives à la propagande électorale en les adaptant notamment aux nouvelles technologies.
Une première disposition, insérée dans le nouvel article L.48-1 du Code électoral par l’article 2 de la loi du 14 avril 2011 précitée, porte que « Les interdictions et restrictions prévues par le présent code en matière de propagande électorale sont applicables à tout message ayant le caractère de propagande électorale diffusé par tout moyen de communication au public par voie électronique ».
Par ailleurs, toutes les dépenses « exposées par chaque candidat ou liste de candidats ou pour leur compte » doivent être intégrées aux comptes de campagne, tel que prévu par l’article L.52-12 du Code électoral.
Dès lors, dans un contexte où tous les candidats à une élection ont de plus en plus recours au support électronique pour leur campagne, à l’issue de la lecture combinée des deux articles précités, il convient de se poser trois questions :
– Toute présence d’un candidat sur internet doit-elle être considérée comme de la propagande électorale ? (1);
– Toutes les dépenses d’un candidat liées à sa présence sur internet doivent-elles entrer dans le compte de campagne ? (2);
– Quelles sont les conséquences pour le candidat en cas de défaut d’intégration de ces dépenses au compte de campagne ? (3 ;4)
1. La propagande électorale sur internet
Rentrent dans le compte de campagne toutes les dépenses effectuées en vue de l’obtention des suffrages et ce dans l’année (au maximum) précédant l’élection. Ainsi les dépenses internet répondant à ce critère doivent être intégrées au compte de campagne.
Avant l’intervention de la loi n°90-55 du 15 janvier 1990 (article L.50-1 du Code électoral), aucune disposition ne faisait obstacle à la mise en place, par un parti politique, d’un répondeur téléphonique, moyen de communication privé, avec un numéro publié par voie de presse, pour diffuser des thèmes de propagande électorale (Cons. const., 21 juin 1978, déc. n° 78-854 AN, Moselle, 1re circ. : Rec. Cons. const. 1978, p. 161). Dans sa rédaction résultant de la loi 2011-412 du 14 avril 2011, l’article L.50-1 du Code électoral interdit, non plus dans les trois mois, mais dans les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, de mettre en place un numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit. Mais ce procédé de communication avec les électeurs est devenu sinon désuet, tout au moins remplacé, voire supplanté, par le recours à Internet.
Ce moyen de communication est soumis par la jurisprudence au régime juridique organisé par l’article L.49 du Code électoral dans sa rédaction antérieure à la loi n°2011-412 du 14 avril 2011 jusqu’à présent. Aux termes de ce texte, il était interdit de distribuer ou faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres document (articles L.49, al31er et 2. – L. n° 85-1317, 13 déc. 1985, art. 22) à partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de “communication au public par voie électronique” (loi n°2004-575, u 21 juin 2004, article 2) tout message ayant le caractère de propagande électorale. La violation de ce texte est sanctionnée pénalement par l’article L.89 du Code électoral.
Sous l’empire du texte antérieur qui interdisait, à partir de la veille du scrutin à zéro heure, de diffuser ou de faire diffuser par “tout moyen de communication audiovisuelle” tout message ayant le caractère de propagande électorale, le Conseil constitutionnel a jugé que le candidat élu ayant fermé l’accès au contenu de son site Internet entre le vendredi 7 juin 2002 à minuit et l’heure de clôture du scrutin de premier tour, ainsi que le vendredi 14 juin à minuit et l’heure de clôture du scrutin de second tour, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’existence de ce site Internet a violé les dispositions précitées de l’article L.49 du Code électoral (Cons. const., 19 déc. 2002, déc. n° 2002-2727 AN, Hauts-de-Seine, 8e circ. : Journal Officiel 27 Décembre 2002, CE, 8 juillet 2002 , n°239220, « Elections municipales de Rodez).
Bien plus, à supposer même qu’un message diffusé sur un site Internet le 13 juin 2002 aurait eu un caractère de propagande électorale, le maintien de ce message jusqu’au jour du scrutin ne constituerait pas une opération prohibée par l’article L.49-2 du Code électoral, dès lors qu’il n’est pas allégué que des modifications auraient été apportées au contenu de ce message après le vendredi 14 juin à minuit, la date du second tour étant fixée le 16 juin (Cons. const., 20 janv. 2003, déc. n° 2002-2690 AN, Paris, 1re circ.,).
Le Haut Conseil a statué que dès lors que le document accessible sur un site Internet ne revêt pas un caractère électoral, le grief tiré de ce que la présence de ce document sur ce
site aurait contrevenu au second alinéa de l’article L.49 du Code électoral n’est pas fondé (Cons. const., 30 janv. 2003, déc. n° 2002-2759 AN, Pyrénées-Orientales, 3e circ. : Journal Officiel 8 Février 2003).
Plus récemment, mais avant l’intervention de la loi n°2011-412 du 14 avril 2011 ayant modifié l’article L.52-1, la jurisprudence a été saisie de la question de l’utilisation d’Internet au regard des articles L.52-1 du Code électoral d’une part, et de l’article L. 52-2, d’autre part.
Sur le premier point, il a été jugé que si le candidat élu a créé un lien publicitaire sur Internet renvoyant vers le site présentant ses activités de parlementaire, il n’a pas été établi qu’il aurait, eu égard au contenu et à l’objet de ce site, méconnu les dispositions du premier alinéa de l’article L. 52-1 (Cons. const., 22 nov. 2007, déc. n° 2007-3532 AN, Paris, 15e circ.). Le Conseil constitutionnel a également décidé que le maintien sur les sites Internet d’une candidate et de son suppléant, pendant les trois mois précédant le premier jour du mois de l’élection, d’éléments d’information ne saurait, eu égard à leur contenu, être regardé comme de la propagande électorale au sens de l’article L.52-1 du Code électorale (Cons. const., 29 nov. 2007, déc. n° 2007-3975 AN, Essonne, 4e circ).
Sur le second point et l’interdiction de communiquer au public le résultat partiel ou définitif d’une élection par voie de la presse ou par tout moyen de communication au public par voie électronique avant la fermeture du dernier bureau de vote, la Haute instance a statué qu’à supposer même que le résultat de l’élection ait été divulgué sur Internet dès 19 heures, cette circonstance n’est pas susceptible, eu égard à l’écart de voix entre les deux candidats, d’avoir altéré la sincérité du scrutin (Cons. const., 29 nov. 2007, déc. n° 2007-3975 AN Essonne, 4e circ., préc.).
Ainsi, l’information dépourvue de polémique électorale n’est pas prohibé.En effet, en premier lieu, il convient de relever le fait que la publication moins d’un mois avant les élections d’un bilan faisant état des principales réalisations du conseil municipal mais dépourvu de toute polémique électorale ne tombe pas sous le coup de l’article L. 52-1, alinéa 2, alors même que les frais de publication ont été pris en charge par la commune (CE, 6 fév.2002, n°236264, Élect. mun. Montségur).
Ne tombent pas sous le coup de l’article L. 52-1 alinéa 2, les documents d’information habituels diffusés par une collectivité (CE, 21 déc. 2001, n°233022 « Élect. mun. Kingersheim », – CE, 20 mai 2005, Élect. cant. Dijon : AJDA 2005, p. 1956), même si leur diffusion a été effectuée à une date plus proche de l’élection que celle qui aurait résulté de la pratique suivie les années antérieures (CE, 10 juill. 1996, Élect. cant. Chamonix-Mont-Blanc).
Ne relève pas non plus de l’article L. 52-1 alinéa 2, la diffusion habituelle d’informations générales sur le site Internet d’une collectivité (CE, 2 juillet 1999, n°201622, Élect. cant. Portel. – CE, 8 juill. 2002, Élect. mun. Rodez, cité supra ni la publication d’une brochure portant diverses informations sur l’eau, co-éditée par la commune et son concessionnaire (CE, 6 mars 2002, n°235950 « Élect. mun. Bagnères-de-Luchon, Haute-Garonne »).
De même, ne présentent pas le caractère d’un avantage offert par des personnes morales, ni la présentation dans une revue de l’extension du palais des congrès de la ville sous la forme d’un bref entretien avec le maire accompagné de photos, ni le compte rendu du début de campagne de plusieurs candidats dans un numéro de la même revue, ni une page d’un quotidien régional, qui se borne à relater la réunion d’un conseil municipal, ni des pages d’un magazine, qui présentent le programme de 114 actions à réaliser pour améliorer la qualité de vie et protéger les richesses de l’environnement niçois en coopération entre l’État et la ville jusqu’en 2005, et détaillent les mesures antibruit prises aux abords de l’aéroport ou évaluent la qualité de l’air dans la région Provence-Côte d’Azur, qui ne peuvent être regardées comme un document de propagande électorale de la liste conduite par le maire sortant. Il en est de même d’un entretien accordé par le maire sortant dans le bulletin d’information de l’association sportive du bâtiment et des travaux publics (CE, 9 oct ;2002, n°240166, « élections . mun. Nice »).
En revanche, il ressort de la jurisprudence électorale que, dans le cas où une liste a acheté un lien commercial permettant un meilleur référencement du site internet qu’elle avait spécialement réalisé dans les semaines qui ont précédé les élections municipales et où ce lien commercial apparaissait en haut à droite sur la première page de résultats du moteur de recherche Google pour des recherches réalisées notamment à partir du seul terme « fuveau », la réalisation et l’utilisation d’un site internet par la liste en question ont le caractère d’une
forme de propagande électorale par voie audiovisuelle pour l’application de l’article L.52-1
du Code électoral ; dès lors que le référencement commercial d’un site à finalité électorale sur un moteur de recherche sur internet a pour finalité d’attirer vers lui des internautes qui effectuent des recherches, mêmes dépourvues de tout lien avec les élections municipales, ce référencement revêt le caractère d’un procédé de publicité commerciale, interdit par l’article L.52-1 du Code électoral ; l’irrégularité ainsi commise a été, compte tenu de la très faible majorité qui a permis l’élection de la liste concernée au premier tour du scrutin, de nature à fausser les résultats du scrutin (CE, 13 février 2009, n°317637, « Elections municipales de la Commune de Fuveau »).
2. L’intégration de la propagande électorale au compte de campagne
Il résulte de la lecture combinée des articles L.48-1 et L.52-12 du Code électoral que toutes les dépenses liées à la mise en œuvre d’une campagne électorale en ligne dans l’année qui précède un scrutin doivent être intégrées aux comptes de campagne.
Rentrent dans le compte de campagne toutes les dépenses effectuées en vue de l’obtention des suffrages et ce dans l’année (au maximum) précédant l’élection. Les dépenses internet répondant à ce critère doivent donc être intégrées au compte de campagne.
Ainsi, tout ce qui pourra être qualifié de propagande électorale devra être inscrit au compte de campagne.
Dès lors, toutes les présences d’un candidat sur internet peuvent –elles être considérées comme effectuées en vue de l’obtention des suffrages ?
A cet égard, la question des blogs des candidats, notamment des conditions de leur hébergement est amenée à se poser de plus en plus fréquemment.
Selon la Commission nationale des comptes de campagne (ci-après « CNCCFP), l’hébergement gratuit des blogs de candidat par des sites Internet, dont ceux produits par la presse, peut entraîner le rejet de leur compte de campagne par la commission. C’est en tête du site Internet de la Commission nationale des comptes de campagne : elle « rappelle aux candidats aux élections municipales et cantonales l’interdiction de toute aide directe ou indirecte par une personne morale autre qu’un parti politique ; elle appelle leur attention sur le fait que l’hébergement gratuit de leurs blogs, proposé par exemple par des supports de presse, peut être considéré comme un avantage prohibé, et donc entraîner le rejet de leur compte de campagne ».
En effet, depuis l’intervention de la loi n°95-65 du 19 janvier 1995), les dons des personnes morales – auxquels la jurisprudence assimile les avantages en nature (par exemple, CE, 10 juin 1996, Élect. cant. Metz III) qui étaient jusqu’alors plafonnés, sont en principe interdits. En particulier, “aucun candidat ne peut recevoir, directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou aides matérielles d’un État étranger ou d’une personne morale de droit étranger” (code électoral article L.52-8 alinéa.5. – CA Aix-en-Provence, 10 mai 1994, n° 454 M, 94/1, proc. Rép. près TGI Nice). L’article L52-8 alinéa 2 du Code électoral dispose en effet que : “Les personnes morales, (…), ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués”
Cette interdiction s’applique sans qu’il soit nécessaire de distinguer selon la nature ou la forme juridiques de la personne morale ; il peut s’agir indistinctement :
– d’une collectivité publique ;
– d’une société d’économie mixte ;
– d’une société anonyme ;
– d’une SARL ;
– d’une association ;
– d’une fondation reconnue d’utilité publique ou d’une fondation d’entreprise ;
– d’une mutuelle ;
– d’une société coopérative…
Par exemple, le soutien apporté par les services d’un département a été regardé, dans les circonstances de l’espèce, comme un élément de la campagne d’un candidat à l’occasion d’une élection cantonale. Il a été jugé que cette aide, qui émanait directement de la collectivité publique, et qui ne pouvait être assimilée au soutien d’un parti ou groupement politique, constituait bien un avantage prohibé par l’article L52-8 du Code électoral.
S’agissant des blogs de campagne, la CNCCFP considère très fermement que le candidat doit déclarer le coût du blog et le nom de la plateforme d’hébergement dans son compte de campagne même si le coût est infime. Toutefois le candidat doit veiller à ce que la gratuité du site ne soit pas consentie en échange de bannières publicitaires exception faite de celle de l’hébergeur.
Toutefois, la fermeté de la CNCCFP doit être, en pratique, nuancée.
En effet, les frais engagés par ou pour le compte du candidat devant figurer aux comptes de campagne correspondent aux dépenses engagées directement par le candidat ou « au profit du candidat et avec l’accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien » .
Ceci signifie que soit l’engagement de la dépense doit avoir été approuvé par le candidat, soit le candidat doit apparaître comme « ayant manifesté la volonté de tirer parti, dans le cadre d’une campagne en vue de l’élection, d’activités ayant donné lieu à des dépenses engagées directement à son profit » . (Conseil constitutionnel 11 octobre 1995 (Jospin) il ressort d’une réponse ministérielle que le site personnel d’un candidat qui n’est pas utilisé à des fins électorales, n’a, en principe, pas pour obligation d’intégrer les frais afférents à ce blog dans le compte de campagne :
Il ressort d’une réponse ministérielle que pour qu’un site internet d’un tiers soit inclus dans les comptes de campagne du bénéficiaire, encore faut –il que ce dernier ait donné son accord :
« Question écrite n° 24225 de M. Jean Louis Masson (Moselle – NI) publiée dans le JO Sénat du 24/08/2006 – page 2151(…) M. Jean Louis Masson attire l’attention de M. le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire sur le cas d’élus locaux ou nationaux qui disposent d’un site Internet personnel depuis plusieurs années et qui sont candidats aux élections législatives. Dans la mesure où le site n’est pas spécialement orienté pour la campagne électorale, il souhaiterait qu’il lui indique si malgré tout, ce site doit être pris en compte dans les comptes de campagne des élections législatives et si oui quelles sont les dépenses correspondantes qu’il faut intégrer.
Réponse du Ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire publiée dans le JO Sénat du 05/10/2006 – page 2548 Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Dans la mesure où un candidat dispose d’un site Internet personnel et que ce site n’est pas utilisé en vue de l’élection, les frais afférents à la mise en ligne et à la maintenance de ce site n’ont pas à être intégrés dans le compte de campagne (…) ».
En outre, le juge de l’élection a jugé que l’utilisation par une liste du service gratuit d’hébergement de sites Internet, proposé de manière indifférencié à tous les sites licites par une société se réservant le droit d’inclure un bandeau ou des fenêtres publicitaires sur les sites hébergés, ne méconnaît pas les dispositions de l’article L. 52-8 dès lors que la gratuité de l’hébergement du site internet ouvert par le candidat tête de cette liste en contrepartie de la diffusion de messages publicitaires n’a pas constitué un avantage spécifique au candidat et ne saurait par suite être regardée comme un don d’une personne morale au sens des dispositions précitées (CE, 18 octobre 2002, n°240048, «élec.mun.Lons »). Ainsi, dans le même sens, et sachant, au préalable que le montant du cautionnement n’est plus compris dans les dépenses, parce que le cautionnement n’est plus exigé, d’une part, et que la valeur vénale résiduelle des immobilisations éventuellement constituées au cours de la période mentionnée à l’article L. 52-4 doit être déduite des charges retracées dans le compte de campagne (article 52-12 alinéa 3 du code électoral) ,d’autre part, ne sont pas des dépenses électorales au sens de la loi pour le conseil constitutionnel :
– les dépenses d’ouverture d’un site Internet, dès lors qu’il s’agissait en l’espèce de l’hébergement gratuit de pages personnelles par une société fournisseur d’accès à Internet et que, conformément aux conditions générales d’utilisation de ce service, tout candidat et d’ailleurs toute personne a pu bénéficier du même service auprès de la même société (Cons. const., 27 févr. 2003, déc. n° 2002-2937/2958 AN, Puy-de-Dôme, 3e et 1re circ. : Journal Officiel 11 Mars 2003).
En dehors de ces cas, l’intégration aux comptes de campagne des dépenses liées à la campagne électorale doit se faire au coût du marché (« prix habituellement pratiqués » selon l’article L 52-17 du C.E.). Il est par exemple tout à fait possible d’intégrer une partie seulement du prix d’un site web, si celui-ci n’est consacré que partiellement à la campagne en cause. La publication d’une information factuelle n’a en revanche pas a être intégrée . Cette analyse pourrait s’appliquer aussi à la campagne en ligne. (Conseil constitutionnel 9décembre 1993 « A.N. Loir-et-Cher » (Lang)
3. Les conséquences du défaut d’intégration des dépenses au compte de campagne : l’absence systématique de rejet
Le principe selon lequel la méconnaissance des dispositions de l’article L.52-8 du Code électoral peut entraîner le rejet du compte de campagne demeure !
Toutefois, dans certains cas, le bénéfice d’un avantage n’entraîne pas forcément le rejet du compte.
En effet, il est de jurisprudence constante que toute violation des règles relatives au financement des campagnes électorales n’entraîne pas systématiquement le rejet du compte de campagne. La Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, ainsi que le juge de l’élection, disposent d’une liberté d’appréciation.
Ainsi, si les dispositions de l’article L.52-8 du Code électoral interdisent à toute personne morale autre qu’un parti politique de consentir des dons ou des avantages divers à un candidat, aucune disposition applicable à l’élection des députés n’implique le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d’un don ou avantage au sens de l’article L. 52-8. Il appartient au juge de l’élection d’apprécier si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte. En l’espèce, compte tenu du montant de l’avantage consenti, il n’y a pas lieu de prononcer l’inéligibilité du candidat élu (Cons. const., 25 oct. 2007, déc. n° 2007-3447 AN, Savoie, 1re circ
Les juges administratifs et constitutionnels se rejoignent aujourd’hui pour considérer que les avantages consentis à un candidat par une collectivité publique n’entraînent pas nécessairement le rejet du compte de campagne de celui qui en a bénéficié (CE, sect., 29 déc. 1995, Élect. cant. La Côte Radieuse,. – V. aussi Cons. const., 14 oct. 1997, déc. n° 97-2208, AN Val-de-Marne, 1re circ. :, à propos de l’utilisation par le suppléant du candidat proclamé élu d’un cliché photographique en possession d’une commune et d’un téléphone portable mis à sa disposition par ladite commune).
Ainsi, le fait qu’un candidat a bénéficié d’avantages en nature consentis par une collectivité publique n’a pas pour effet d’entraîner nécessairement, dans une telle hypothèse, le rejet du compte, ni, par suite et par application de l’article L. 197 du code, l’inéligibilité du candidat dont il s’agit ; il n’en irait ainsi, que dans le cas où le compte soit n’a pas été déposé dans les conditions et délais prescrits, soit a été rejeté à bon droit (CE, sect., 29 déc. 1995, n°162669, « Élect. cant. La Côte Radieuse »).
De même, s’il résulte des dispositions combinées, dans leur rédaction en vigueur à la date de l’élection contestée, que les avantages en nature consentis par une collectivité publique à un candidat doivent être regardés, au sens de ces dispositions, comme des dons et être inscrits ou réintégrés dans les comptes de ce candidat, aucune disposition alors applicable du Code électoral n’a pour effet d’entraîner nécessairement dans une telle hypothèse le rejet du compte. En conséquence, si après réintégration dans le compte du total des avantages en nature consentis par la ville de M. à la candidate élue reste inférieur aux plafonds respectivement fixés aux alinéas 1 et 3 de l’article L. 52-8 et que le montant des dépenses électorales reste inférieur au plafond légal, il n’y a pas lieu de prononcer le rejet du compte (CE, 10 juin 1996, n°162476 « Élect. cant. Metz III »).
Dans le même esprit, le Conseil d’État a jugé que ni l’article L. 52-15 ni aucune autre disposition législative n’oblige la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à rejeter le compte d’un candidat faisant apparaître qu’il a bénéficié de la part de personnes morales d’un avantage prohibé par l’article L. 52-8 ; il lui appartient, sous le contrôle du juge de l’élection, d’apprécier si, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles le don a été consenti et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte (CE, sect., 2 oct. 1996 n°176967, Élect. mun. Annemasse, Borel,).
Ainsi, dans une circonscription où le plafond des dépenses électorales s’élevait à 81 846 francs, la circonstance qu’un candidat ait reçu des contributions versées par trois entreprises pour un montant total de 2 800 francs et qu’il ait ainsi bénéficié de la part de trois personnes morales de droit privé de dons prohibés par l’article L. 52-8 ne conduit pas, dans les circonstances de l’espèce, et compte tenu notamment du faible montant des dons consentis, à prononcer le rejet du compte de campagne et l’inéligibilité de ce candidat.
4. Les conséquences du défaut d’intégration des dépenses au compte de campagne : l’absence systématique de l’inégibilité du candidat
Enfin, il convient de relever que le rejet du compte de campagne ne conduit toutefois pas à prononcer l’inégibilité du candidat si l’absence de fraude de ce dernier est avérée.
En effet, aux termes de l’article L.118-3 du code électoral dans sa nouvelle rédaction, il est indiqué que :
« Saisi par la commission instituée par l’article L.52-14, le juge de l’élection peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l’élection peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L.52-12. Il prononce également l’inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. L’inéligibilité déclarée sur le fondement des premier à troisième alinéas est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s’applique à toutes les élections. Toutefois, elle n’a pas d’effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. Si le juge de l’élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l’élection n’a pas été contestée, le déclare démissionnaire d’office ».
Or, il convient de relever avec grand intérêt l’analyse du Conseil d’Etat dans sa décision n°338033 en date du 4 juillet 2011 à l’occasion du litige relatif à l’élection du Président de la Région Il de France, Monsieur Huchon, aux termes de laquelle malgré le rejet du compte de campagne du candidat eu égard à l’ampleur et à la nature des opérations de communications déployées s’élevant à un montant de près de 1. 500.000 euros (soit environ 45% du plafond des dépenses électorales), le candidat avait pu sincèrement ignorer que les campagnes de communications querellées devaient être imputées au compte de campagne et par conséquent, ne saurait justifier l’inégibilité de Monsieur HUCHON.
« Considérant que, par la loi du 14 avril 2011 portant simplification des dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, le législateur a modifié l’article L. 118-3 du code électoral ; que le troisième alinéa de cet article, dans sa rédaction issue de cette loi, dispose que le juge prononce également l’inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales ; que ces dispositions, qui définissent de façon plus restrictive les hypothèses dans lesquelles un candidat encourt la sanction d’inéligibilité, présentent, à la différence des nouvelles dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 118-3, qui prévoient que l’inéligibilité est désormais prononcée pour une durée maximale de trois ans et qu’elle s’applique à toutes les élections, le caractère d’une loi nouvelle plus douce, immédiatement applicable au présent litige ;
Considérant qu’en dehors des cas de fraude, ces dispositions prévoient que le juge de l’élection ne prononce l’inéligibilité d’un candidat que s’il constate un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ; que, pour déterminer si un manquement est d’une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l’élection d’apprécier, d’une part, s’il s’agit d’un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d’autre part, s’il présente un caractère délibéré ; qu’en cas de manquement aux dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral, il incombe, en outre, au juge de tenir compte de l’importance de l’avantage ou du don irrégulièrement consenti et de rechercher si, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, il a été susceptible de porter atteinte, de manière sensible, à l’égalité entre les candidats ;
Considérant qu’ainsi qu’il a été dit, M. J doit être regardé comme ayant bénéficié, pour le financement de la campagne électorale de la liste qu’il conduisait, d’un concours financier de la région d’Ile-de-France, pour une somme d’environ 1 500 000 euros représentant 45 % du plafond des dépenses électorales ; qu’il a ainsi méconnu les dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral, qui présentent un caractère substantiel, et entaché son compte de campagne, dans des proportions importantes, d’irrégularité ; que, toutefois, M. J est fondé à soutenir qu’il pouvait raisonnablement ignorer, à la date où ce manquement a été commis, que les campagnes de communication organisées par la région d’Ile-de-France constituaient, alors même que des opérations similaires avaient été menées les années antérieures et que le contenu des messages diffusés était dépourvu de toute référence aux élections des 14 et 21 mars 2010, des campagnes de promotion publicitaire au sens du second alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral et que les dépenses exposées constituaient, dès lors, une participation de la région au financement de la campagne de la liste qu’il conduisait ; que M. J ne saurait, par suite, dans les circonstances de l’espèce, être regardé comme ayant commis un manquement délibéré aux dispositions de l’article L. 52-8 ; qu’en outre, les campagnes de promotion publicitaire litigieuses ne peuvent être regardées, eu égard notamment à la date à laquelle elles se sont déroulées, comme ayant été de nature à porter atteinte, de manière sensible, à l’égalité entre les candidats ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le manquement commis par M. J ne peut être qualifié, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, de manquement d’une particulière gravité, au sens de l’article L. 118-3 du code électoral ; qu’il ne justifie donc pas que M. J soit déclaré inéligible ni que son élection en qualité de conseiller régional soit annulée » (CE, 4 juillet 2011, n°338033, « HUCHON »).
En effet, le juge électoral procède à examen minutieux lui permettant de déterminer si le manquement aux dispositions de l’article L.118-3 du Code électoral est d’une particulière gravité ou non afin de ne pas prononcer une sanction qui pourrait être manifestement disproportionnée.
Ainsi, il est toutefois recommandé aux candidats de faire preuve d’une grande vigilance dans l’intégration de leur dépense au compte de campagne lequel devra notamment comprendre les frais engagés pour la campagne sur internet !